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Les projets migratoires des « enfants de migrants » en Italie au prisme des facteurs socio-économiques et politiques

Offre de thèse

Les projets migratoires des « enfants de migrants » en Italie au prisme des facteurs socio-économiques et politiques

Date limite de candidature

15-05-2025

Date de début de contrat

01-10-2025

Directeur de thèse

BERGAMASCHI Alessandro

Encadrement

Le projet de thèse se déroule dans le cadre d'une co-tutulle entre l'Université de Lorraine et l'Università Cattolica del Sacro Cuore – Milano. L.a.e doctorant.e sera suivi.e par deux directeurs de thèse. Les rendez-vous pour le suivi de l'avancement des travaux auront lieu une fois par mois et se dérouleront en modalité hybride. Organisation de la co-tutelle 1ère année : France 2ème année : Italie 3ème année : France

Type de contrat

Concours pour un contrat doctoral

école doctorale

SLTC - SOCIETES, LANGAGES, TEMPS, CONNAISSANCES

équipe

contexte

Après de longs et importants cycles de migrations transocéaniques, européennes et intra-nationales, l'Italie change progressivement de statut à partir des années 1970 et en 1975, le solde migratoire devient positif (Bonifazi, 1998). À la même époque, nous assistons aux mobilités des jeunes diplômés qui partent des régions du Sud vers celles du Nord, mais aussi vers l'étranger et notamment en Europe (Colucci, Gallo 2018 ; Sanfilippo, 2017). Ces mobilités de jeunes se sont ensuite accentuées avec la crise économique de 2008 et la croissance massive du chômage juvénile : au janvier 2023, l'Italie est le troisième pays de l'Union Européenne ayant le taux de chômage des jeunes le plus élevé (23%) (Eurostat, 2023). Ensuite, si dans les années précédentes, ces mobilités étaient celles de jeunes d'origine italienne, depuis la fin des années 2000, nous assistons également à des départs de personnes d'origine étrangère (Della Puppa, Montagna, Kofman, 2021). Entre 2012 et 2020, sur environ 194 000 étrangers naturalisés italiens, 107 000 ont déménagé à l'étranger et parmi eux, 86 000 ont rejoint un pays européen : il s'agit de personnes dont l'âge moyen est de 29 ans, d'origine pour la plupart du Kosovo, de la Macédoine, du Pakistan, du Bangladesh et du Ghana (Fondazione Migrantes, 2022). D'après les premières études, la motivation principale de ces projets migratoires semble résider dans la difficulté des jeunes à trouver les conditions nécessaires à la construction de leurs projets d'avenir (Gjergji, 2015 ; Pugliese 2015). Ces difficultés ne relèvent pas seulement du registre socio-économique. En effet, en dépit d'un contexte marqué par un changement profond au niveau du statut migratoire de la société italienne, le législateur n'a pas adapté la loi sur la nationalité qui demeure axée sur le principe du droit du sang. La loi n°91/1992 continue à favoriser les descendants d'italiens à l'étranger plutôt que les personnes d'origine étrangère vivant en Italie (Zincone, 2006). Si la loi permet aux personnes résidant à l'étranger ayant au moins un ascendant italien d'acquérir la nationalité, elle impose cependant des conditions assez restrictives aux personnes vivant en Italie et nées de parents étrangers : la résidence sans interruption sur le sol italien jusqu'aux 18 ans et la possibilité de déposer une demande de naturalisation entre 18 et 19 ans uniquement (Mancini, 2021). Face à la faiblesse des politiques publiques en matière d'accueil et d'insertion, il faut rappeler que l'Église catholique a souvent pallié aux manquements en matière d'accueil des personnes migrantes, ce qui est une spécificité de la gestion italienne de l'immigration internationale (Bergamaschi, 2013). À cet effet, des associations de matrice catholique comme la Caritas Italiana et la Fondazione Migrantes, ont participé à la campagne « Italia sono anch'io », visant à réformer la loi d'accès à la nationalité (Ambrosini, 2019). Cet aperçu socio-historique nous permettra ainsi de nous pencher sur le contexte social qui contribue à définir la catégorie d'enfants de migrants.

spécialité

Sociologie

laboratoire

CREAT_Centre de Recherche sur les Expertises, les Arts et les Transitions

Mots clés

Migration , Jeunes , Discrimination , Intégration , Identité, Transnationalisme

Détail de l'offre

Ce projet de thèse en sociologie vise à étudier les liens entre les appartenances sociales et les projets migratoires des jeunes enfants de migrants ayant grandi en Italie, pays de destination pour les migrations internationales depuis la fin des années 1970 et qui actuellement connait une récession économique sévère (Eurostat, 2023). Nous utilisons la notion de « projet migratoire » afin de prendre en considération, non seulement la phase du départ, mais notamment celle qui la précède, où la migration se configure comme une possibilité dans l'horizon des attentes de l'individu (De Gourcy, 2013). En prenant en compte leurs pratiques transnationales, le poids de la socialisation migratoire vécue en famille, de la socialisation entre pairs, ainsi que leurs identifications politiques, nous souhaitons problématiser leur statut migratoire au sein de la jeunesse en Italie. Notre hypothèse est que le projet migratoire des jeunes enfants de migrants est à analyser comme le résultat, d'une part, des conditions structurelles du pays où ils ont grandi et, d'autre part, du continuum de l'histoire migratoire de la famille. Il sera ainsi possible d'aller au-delà de la catégorie d' « enfants de migrants » assignée par la société d'accueil et appréhender leurs propres représentations identitaires. L'intérêt de ce questionnement réside également dans la déconstruction de la dichotomie « populations majoritaires » versus « populations minoritaires » – un rapport de pouvoir, dans lequel les premières définissent et désignent les secondes (Guillaumin, 1985) – tout en prêtant attention aux éléments qui rapprochent les jeunes enfants de migrants des autres jeunes du même âge. En outre, il permettra de mettre en exergue des différences dans les perspectives migratoires entre les jeunes d'origine étrangère ayant la nationalité italienne et ceux n'ayant pas acquis ce statut. Ce projet de recherche permettra également de mettre en lumière les dynamiques sociales à présent peu connues des nouveaux protagonistes des migrations intra-européennes.

Enfin, grâce à son ambition de prendre en compte à la fois les facteurs d'ordre structurel et microsocial pour la compréhension du « projet migratoire », il apportera une contribution significative en matière de théorie sociologique. Les facteurs d'ordre structurel pointent à la fois la conjoncture socio-économique défavorable et un contexte politico-institutionnel inspiré par les idées populistes et nativistes, qui fait de la lutte contre l'immigration son principal argument de vente électoral (Ambrosini, 2019 ; Bellé, 2019). Les facteurs d'ordre microsocial interrogent tantôt le processus de socialisation familiale et les effets de la transmission d'une mémoire migratoire intergénérationnelle, tantôt les pratiques transnationales développées entre pairs (Miranda, 2012 ; Colombo, 2012 ; Ricucci, 2021). Ces deux registres de facteurs et leurs synergies réciproques sont censés faciliter l'élaboration de projets migratoires chez les jeunes descendants d'immigrés en Italie.

L'analyse des liens entre ces sources d'influence, permettra de développer des questionnements quant à la pertinence de la tension « macro » versus « micro », à savoir l'enjeu épistémologique de fond de ce projet.

Keywords

Migration , Youths, Discrimination , Integration, Identity, Transnationalism

Subject details

This Phd project in sociology aims to study the relationship between social affiliations and the mobility projects of young children of migrants who grew up in Italy. Italy has been a destination for international migration since the late 1970s and is currently experiencing a severe economic recession (Eurostat, 2023). We use the concept of 'migration project' to consider not only the phase of departure but also the one that precedes it, where migration is seen as a possibility within the individual's expectations (De Gourcy, 2013). By taking into account their transnational practices, the impact of migration socialization within the family, peer group socialization, and their political identifications, we aim to address their migration status among the youth in Italy. Our hypothesis is that the migration project of young children of migrants should be analyzed as the outcome, on one hand, of the structural conditions of the country where they grew up, and on the other, of the continuum of their family's migration history. This approach will make it possible to go beyond the category of 'children of migrants' imposed by the host society and to better understand their own identity representations. The significance of this inquiry also lies in deconstructing the dichotomy of 'majority populations' versus 'minority populations' — a power dynamic in which the former defines and designates the latter (Guillaumin, 1985) — while also paying attention to the elements that bring young children of migrants closer to other young people of the same age. Additionally, it will highlight differences in the migration perspectives between young people of foreign origin who hold Italian nationality and those who have not acquired this status. This research project will also shed light on social dynamics that are currently underexplored regarding the new protagonists of intra-European migration. Finally, due to its ambition to consider both structural and microsocial factors in understanding the 'migration project,' it will make a significant contribution to sociological theory. Structural factors address both the unfavorable socio-economic context and the politico-institutional environment, which is shaped by populist and nativist ideas that use anti-immigration rhetoric as a key electoral argument (Ambrosini, 2019; Bellé, 2019). Microsocial factors focus on the process of family socialization and the effects of intergenerational transmission of migration memory, as well as the transnational practices developed among peers (Miranda, 2012; Colombo, 2012; Ricucci, 2021). These two sets of factors and their reciprocal synergies are expected to facilitate the development of migration projects among young descendants of immigrants in Italy. The analysis of the links between these sources of influence will enable the development of questions about the relevance of the 'macro' versus 'micro' tension (Giddens, 1991), which is the fundamental epistemological issue of this project.

Profil du candidat

Master en sociologie ou en sciences sociales
Bonne maitrise des techniques d'enquête qualitatives
Bonne maitrise de l'italien (C1) et du français (C1)
Connaissances de l'anglais professionnel (B2)
Sens de l'organisation
Mentalité ouverte à l'international

Candidate profile

Master's degree in Sociology or Social Sciences
Strong knowledge of qualitative research methods
Proficient in Italian (C1) and French (C1)
Professional knowledge of English (B2)
Strong organizational skills
Open-minded with an international mindset

Référence biblio

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